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Tattito Rykiel Out Of The Garbage
13 novembre 2006

Le féminisme, entre identité et modernité

Un Forum sur le féminisme ? Cela n’a rien de bien spécial sauf qu’il se tient en banlieue et qu’il est organisé sans le mouvement Ni putes ni soumises. Les associations « VETO ! », « Collectif Féministe pour l’Egalité » et « Garges au féminin » mettent leur expérience en commun pour organiser cette première à la MJC de Sarcelles, le vendredi 17 novembre 2006, à partir de 19 heures 30.

SaphirNews : Qu’est ce qui motive Veto ! à participer à l’organisation d’un forum féministe ?

Liman Wajdi : Nous avons souhaité organiser un forum autour du féminisme, car ce sujet concerne nos quartiers. Nous ne pouvons pas laisser les autres parler à notre place. Autour de nous, nous constatons que les femmes présentes sur le terrain militant ressentent à la fois un profond besoin d’exprimer un certain nombre de problèmes liés à l’égalité homme/femmes mais qu’elles ne trouvent pas d’espace pour cela. Leur détermination est nivelée par leur crainte de faire le jeu du féminisme médiatique dont le seul but est de stigmatiser l’homme Arabe et Musulman et donc de créer des divisions supplémentaires dans nos cités. Pendant ce temps, la cause des femmes perd du terrain et peu de choses sont faites réellement pour changer cet état de fait.

C’est que l’on ne vous attendait pas sur le féminisme.

Liman Wajdi : Je comprends. Mais sachez que Veto ! existe depuis 2004, nous militons sur les villes de Garges les Gonesse et de Sarcelles, notre acte fondateur fut la projection du film « un racisme à peine voilé », qui malgré les diverses oppositions locales (politiques et associatives) a permis à 150 participants de voir ce film excellent et d’écouter des jeunes femmes dont la parole avait été confisquée tout au long du débat sur la laïcité. Veto ! c’est justement l’histoire d’une prise de parole, la volonté de se réapproprier les débats qui concernent les populations des quartiers.

Que faites-vous concrètement dans ce sens ?

Liman Wajdi : Dans ce sens, nous organisons localement des projections, des rencontres, des débats, des forums sur des thèmes qui nous sont chers nous : la place de la mémoire au sein des populations issues des immigrations post-coloniales, la lutte contre l’islamophobie, la gestion post-coloniale des quartier. Nous nous impliquons dans le débat sur la rénovation urbaine, et dans la lutte contre le CPE. En même temps, nous participons à des rencontres avec des organisations alter-mondialiste d’Europe de l’Est et des USA. Très souvent nous trouvons être en phase avec eux sur de nombreux aspects points. Veto ! c’est aussi un soutien concret à la population dans des situations complexes : suivi juridique, accompagnement administratif. Bon, là promis, j’arrête la pub... Mais ceux qui veulent nous connaître peuvent se rendre sur notre site Internet.

Pour en revenir au féminisme, qu’est ce qui vous distingue du mouvement de Fadela Amara, Ni putes ni soumises ?

Liman Wajdi : Les points de divergences avec ce type d’associations politiques sont multiples. Nous nous sommes mobilisés contre la loi islamophobe sur le voile dans le cadre d’un collectif unitaire Une Ecole Pour Tous et pour Toutes. Ce Collectif qui a été attaqué et calomnié par SOS Racisme et Ni P...Ni Soumises. Nous organisons des débats contradictoires dans les cités. Nous prenons le risque de la contradiction, du dialogue en mettant nos convictions à l’épreuve des débats. Chose que ces associations politiques ne font pas, car en dehors des réunions dans les quartiers bobos de Paris, je ne les vois guère sur le terrain. Et puis, gardons aussi en tête que Ni P...Ni Soumises reste une création de la Fédération de la Maison des Potes. Celle-ci étant une émanation de SOS RACISME, elle-même satellite du PS destiné à recruter des arabes de service dans les cités. Structurellement, on peut donc déjà se poser la question des intentions politiciennes qui animent le mouvement de Fadela Amara !

Mais au niveau de vos idées et de vos thèmes ?

Liman Wajdi : Le mouvement dont vous me parlez a médiatisé son action en s’appuyant sur trois points : le scandale des tournantes, l’homicide de la jeune Sohane et le débat relatif au projet de loi sur les signes religieux. Sur chacun de ces points, il s’agissait moins de faire progresser concrètement le droit des femmes que de stigmatiser l’homme de banlieue, arabo-musulman, comme un malfrat vivant entre la mosquée intégriste et la cave à tournantes. C’est ainsi qu’est apparu ce que nous appelons un « féminisme médiatique » qui est instrumentalisé à des fins politiques pour organiser la division des genres dans nos cités et accroître l’islamophobie. Et si vous permettez un petit clin d’œil aux Indigènes, j’ajouterai que le « libérons la belle Fatima et tabassons le dangereux Mohamed » n’est qu’un atavisme d’une gestion des genres qui existait déjà au temps des colonies avec ses cérémonies du dévoilement des femmes indigènes en ville et ses gravures érotiques d’une Fatma à la merci de ses frères pillards de caravanes. Avec de telles approches, je crois que beaucoup ont perdu par les désastres causés dans les cités par NPNS et je crois que les femmes sont, hélas, une nouvelle fois en première ligne. Pour en rester à votre question, je dirai que notre démarche est bien simple : tout en souhaitant contribuer à l’égalité hommes/femmes, nous ne voulons plus que les femmes dans les cités soient la chaire à canon de l’instrumentalisation de la cause féministe à des fins politiques. Voilà simplement ce qui nous sépare de Fathia Amara (ndr, Fadela Amara) .

A qui s’adresse donc le Forum de vendredi 17 novembre ?

Liman Wajdi : Il s’adresse bien entendu à tout le monde ou du moins à tous ceux qui croient qu’il est possible de débattre de la condition féminine dans les cités. Concrètement, cela signifie que nous voulons écrire un livre blanc à la fois sur l’état de la condition féminine dans les cités mais aussi sur les idées concrètes pour faire progresser cette cause. Il nous paraît sain d’ouvrir ce débat de manière plurielle. Pour cette raison nous avons invité Houria Bouteldja, qui vient du mouvement féministe et qui est aujourd’hui porte parole des Indigènes de la République. Elle s’exprimera aux côtés de deux membres du Collectif Féministe pour l’Egalité qui sont Ismahane Chouder et Monique Crinon, deux figures importantes du mouvement féministe auxquelles je rend hommage pour le rôle qu’elles ont joué dans le collectif Une Ecole Pour Tous (formé contre la déscolarisation des jeunes filles voilées).

Il ne s’agit donc pas exclusivement de féminisme musulman ?

Liman Wajdi : Non, nous avons volontairement fait le choix de la pluralité car selon nous, le féminisme ne se gagne pas par la division des individus mais au contraire par la sensibilisation des hommes à cette question afin qu’ils soient parties prenantes dans un combat où ils ont en fait tout à gagner dans le cadre d’une société plus juste car plus égalitaire. De la même manière, nous voulons rompre avec les idées bien pesantes qui voudraient que l’émancipation passe nécessairement par la rupture avec la culture et/ou la confession d’origine. C’est pour cette raison que nous avons intitulé ce forum « le féminisme, entre identité et modernité ». Il existe aussi dans nos cités des jeunes filles qui portent le voile et qui jouent tout à la fois un rôle positif dans leur entourage par leur formation universitaire, leur profession ou leur contribution au débat public. Cette présence ne doit pas être éludée même si nous ne voulons pas circonscrire la question féministe dans les cités à « voilée ou pas ? » comme se complaît à le faire une certaine gauche.

Peu avant l’été, Veto ! était intervenu avec force sur la question des horaires de la piscine de Sarcelles réservée à des femmes juives. Où en est cette affaire ?

Liman Wajdi : Il n’y a pas « d’affaire » sur la question des horaires de piscine pour les femmes juives de Sarcelles. Elles se sont organisées en association au nom de laquelle elles louent les locaux quelques heures. Le Maire a une position claire sur ce plan là et ne considère pas utile d’aller vérifier qui se baigne (des hommes des femmes, des enfants à la limite cela ne le regarde pas...). C’est une position qui laisse la porte ouverte à d’autres initiatives. Comme nous le constatons sur d’autres villes. A Sarcelles, à Garges comme dans toutes les villes du Val-de-France, les très nombreuses communautés ethniques, culturelles ou religieuses, vivent ensemble en bonne intelligence et en toute tranquillité. Aucune ne demande à être exempte de la laïcité mais chacune aimerait que lui soit appliquée une laïcité juste, c’est-à-dire la neutralité et l’indépendance des institutions de la République vis-à-vis des cultes. Si la République est indépendante et neutre vis à vis des cultes, cela ne signifie pas pour autant qu’elle les ignore. C’est cette vision et cette pratique qui se révéleraient être un formidable outil de gestion de la richesse que représente la diversité ethnique, culturelle et religieuse de nos cités.

Au regard de votre implication dans la vie locale, peut-on s’attendre à des candidats Veto ! aux élections à venir ?

Liman Wajdi : Tout d’abord, il faut que les choses soient claires, VETO est une association loi 1901 et non un parti politique. Ses membres ont des opinions diverses et parfois une appartenance politique. Moi-même, je suis adhérent chez les Verts et cette appartenance est loin d’être partagée par l’ensemble des membres. Notre raison d’être est de promouvoir le débat citoyen afin que la population se réapproprie une parole et une image qui lui ont été confisquées dans un environnement pollué par le clientélisme politique.

Pourtant une telle posture en éminemment politique.

Liman Wajdi : Oui, en effet... Et je suis parfaitement conscient que notre combat a forcément un sens politique. Par exemple, la municipalité de Garges n’aime pas nos idées et nous le fait savoir en nous privant totalement de l’accès aux équipements municipaux. Lorsque nous manifestons sous les fenêtre du maire pour condamner cette attitude et protester contre la censure qu’il pratiquait sur nos actions de solidarité avec la Palestine et le Liban, lorsque nous dénonçons la gestion néo-coloniale de l’exécutif municipal ou que nous pointons le double discours du Maire sur la laïcité ; nous savons que nos actions auront forcément une portée politique. Si cette portée ne se traduit pas forcément de manière électoraliste, la municipalité nous traite comme un groupement politique. Aujourd’hui, la représentation politique dans nos cités est problématique dans le sens où la diversité n’est pas à l’image de la sociologie de la ville. Parallèlement, les partis politiques classiques ont une offre programmatique qui ne parle pas aux gens des cités car elles ne sont pas faites avec eux. La question n’est donc pas simple.

Lundi 13 Novembre 2006

Propos recueillis par Amara Bamba

Pour en savoir plus sur Veto !, voir le site de l’association.

Forum Le 17 novembre 2006 A partir de 19 heures 30 minutes. Thème : Le féminisme, entre identité et modernité Lieu : 10, bis avenue Paul Valery à Sarcelles RER D - Station : Garges-Sarcelles

Post Scriptum :

Emprunté à : http://www.saphirnews.com/-Le-feminisme,-entre-identite-et-modernite-_a5130.html

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