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Tattito Rykiel Out Of The Garbage
31 janvier 2008

Mort d'une détenue à Fresnes

 

Lettre de plusieurs prisonnières de Fresnes, le 23 janvier 2008

Chers amis et camarades,

C'est un cri de colère, de douleur et d'alerte que nous vous transmettons suite au décès de « Lu » Semedo De Veiga, prisonnière, âgée de 28 ans,mère d'un enfant de 11 ans. La prison tue. Depuis le mois de novembre, Lu se plaîgnait de maux de tête, de nausées, de vertiges. Elle en faisait part au service médical en recevant comme seule réponse du... Doliprane. Lu n'était pas de caractère à « jouer la comédie », elle continuait à travailler tout en disant qu'elle se sentait de plus en plus malade et ça se voyait. Tout le monde le voyait, le personnel pénitentiaire, l'infirmière, les médecins.

Trois mois se sont écoulés jusqu'au 18 janvier. A 4 heures du matin son mal de tête devient insupportable, Lu n'est plus capable de bouger et répond à peine (l'après midi précédent, elle avait signalé à l'infirmière l'aggravation de son état et demandé d'être hospitalisée). A 4 heures dumatin, donc, sa co-détenue appelle la surveillante, laquelle décide, sans ouvrir la porte, que Lu pourra attendre jusqu'à l'ouverture des cellules du matin. Lu sera hospitalisée à 14 heures de l'après-midi après avoir subi un arrêt cardiaque et avoir été réanimée en prison. Nous avons appris son décès à l'hôpital le 22 janvier. Nous avons rendu hommage à Lu le soir même, à la manière des prisonnières, avec un « concert » de casseroles tapées sur les barreaux et les portes.

Dénoncer le refus de secours à une personne en danger est la moindre des choses. Ce n'est pas un accident. C'est une infraction pénale ! Mais encore, quand a-t-elle commencé cette infraction pénale qui s'appelle refus de secours, à 4 heures du matin ? ou alors, pendant les mois où Lu a été laissé en souffrance et son état de santé a été laissé se détériorer dans l'indifférence ? Il y en a beaucoup d'entre nous affectées par des problèmes de santé sérieux, qui sont traitées avec la même indifférence, négligence. Et la totalité des prisonnières quand elles s'adressent au service médical, sont exposées au traitement et réflexions méprisantes, et le secret médical n'est pas garanti.

Nos corps enfermés, nos vies son laissées au bon vouloir, à la «sensibilité » ou au contrarité du personnel pénitencier et médical, dont la déontologie est « cibler les détenues qui jouent la comédie » et sanctionner celles qui sont peu ou moins soumises. La mort n'est pas égale pour tous. Celle des détenus est du... laissé pour compte. Voilà la prise en considération de l'être humain à l'heure des programmes de «humanisation des prisons. » La réalité est que la prison réflète la société. Dans notre société qui se dit consensuelle, la prison offre au corps de quoi s'occuper : travail sur-exploité, ateliers divers,formations, activités à souhait. Tant mieux. Mais la prison, comme toute institution totale, produit plus de malaise que celui qui a entraîné les personnes à commettre les infraction.

Quels débouchés, alors ? La réinsertion, bien sûr : chacun son «réinséré » là d'où il vient ! Dans le rôle social qui lui est assigné ! Et encore plus méprisé et « habitué » à la méprise. Autrefois on disait « les prisons, base de luttes. » Cela n'est pas toujours possible dans l'histoire des sociétés. Ce n'est pas pour autant que nous arrêterons de dénoncer les pratiques de méprise de la dignité.

Nous demandons qu'une enquête soit ouverte sur la mort de « Lu » et sur le service médical de la Maison d'Arrêt des Femmes de Fresnes.

 

 

 

http://infoblog.samizdat.net/lettre-de-plusieurs-prisonnieres-de-fresnes-le-23-janvier-2008

 

 

 

Nous sommes bouleversées, angoissées, en colère !

Pour que ça n’arrive plus !

 

Suite au décès de « Lu » Semedo De Veiga, prisonnière, âgée de 28 ans, le 18 janvier à la Maison d’arrêts des femmes de Fresnes, des détenues expriment leur colère et leur rage. Elles demandent une enquête sur les circonstances et appellent aussi à un mouvement de « refus du plateau repas » de midi ce dimanche 27 janvier 2008.

Voici un de leurs textes.

 

Pour que ça n’arrive plus !

Nous sommes bouleversées, angoissées, en colère !

Le décès de « Lu » Semedo De Veiga, démontre encore une fois l’incompétence du service médical de la MAF !

Ainsi que celle du personnel pénitencier dans sa « gestion » du « bétail humain » auquel il nous assimile !

Nous avons toutes été témoins de l’état de délabrement physique de Lu sur ces 3 derniers mois ! La fatigue constante, ses migraines, son maigrissement... Et pourtant, nous l’avons toujours vu continuer à distribuer les repas, nettoyer la coursive, les toilettes... Ils l’ont laissé, consciemment, en arriver là aujourd’hui !

Nous savons que dans la nuit de jeudi à vendredi à 4 heures du matin, sa co-détenue a demandé assistance car elle n’allait pas bien. Rien n’a été fait jusqu’à 12 h ! Pourquoi ?

Nous demandons une enquête sur les circonstances et les raisons de son décès.

Nous voulons être informées des résultats de cette enquête. Car au delà de Lu à laquelle nous rendons hommage par cet acte

Nous le voulons aussi pour les bavures précédentes, et surtout essayer d’empêcher celles à venir !

Nous appelons aussi à un refus du plateau repas de midi ce dimanche 27.

Symboliquement à la mémoire de Lu. Mais aussi pour montrer notre indignation face à une telle situation, dans les prisons d’une société dite « civilisée » au 21ème siècle.

 

http://infoblog.samizdat.net/nous-sommes-bouleversees-angoissees-en-colere

 

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A Fresnes, colère après une agonie



Prison. Les codétenues de Lucilia, 28 ans, dénoncent un manque de soins fatal.


ONDINE MILLOT




«La prison tue.»


C’est le «cri de colère, de douleur et d’alerte», qu’ont signé la semaine dernière quarante-six détenues de la maison d’arrêt des femmes de Fresnes (Val-de-Marne). Une démarche rarissime, ne serait-ce qu’en raison des difficultés pratiques pour pouvoir s’organiser collectivement et faire passer un tel message à l’extérieur.



A l’origine de cette mobilisation, la mort de Lucilia, 28 ans, le 18 janvier. Depuis plusieurs mois, «Lu se plaignait de maux de tête, de nausées, de vertiges», dit la lettre. «Elle en faisait part au service médical en recevant comme seule réponse du Doliprane.» «Ses douleurs étaient tellement fortes qu’elle ne pouvait plus bouger», témoigne Stéphanie, une ancienne détenue qui a partagé la cellule de Lucilia, avant d’être libérée en septembre. «A de nombreuses reprises, je l’ai aidée à écrire des mots pour demander un rendez-vous avec un médecin et un scanner. Mais à chaque fois, l’infirmière lui disait : "Arrête ton cinéma."»



Lu, pourtant, n’était «pas du genre à se plaindre», raconte Carole, elle aussi ancienne détenue libérée au mois de novembre. «C’était une jeune femme dynamique, positive, toujours souriante. Quand j’ai appris son décès, je me suis souvenu de toutes les fois où on avait essayé d’alerter le service médical. Ils l’ont laissée mourir.»



Lettre collective. Dans les semaines précédant sa mort, Lucilia s’est évanouie plusieurs fois : en cours de français, en poussant les chariots de la distribution des repas. «Elle se sentait de plus en plus malade, explique la lettre collective des détenues. Tout le monde le voyait, le personnel pénitentiaire, l’infirmière, les médecins.»



Dans la nuit du 17 au 18 janvier, à 4 heures du matin, la détenue qui partage sa cellule avec Lucilia appelle une surveillante. La jeune femme pleure et se tord de douleur. La surveillante répond qu’il faut attendre le matin. A 7 heures, Lucilia ne peut plus se lever. Elle demande à être transportée à l’hôpital pénitentiaire, qui se trouve juste à côté de la maison d’arrêt des femmes. Sa codétenue réclame l’intervention de l’infirmière. Les surveillantes répondent que l’infirmière est prévenue.



A 11 heures, Lucilia ne peut plus bouger la main. L’infirmière n’est toujours pas passée. Sa codétenue appelle encore une fois. A midi, Lucilia perd conscience, ne répond plus. Sa codétenue hurle et l’infirmière intervient enfin. Les secours arrivent à 13 heures. Lucilia est admise en réanimation à l’hôpital Saint-Louis à 15 heures.



«Les médecins m’ont expliqué qu’elle avait fait un arrêt cardiaque, raconte sa sœur, Vania. Et que cet arrêt a duré trop longtemps avant qu’on la réanime. Ils m’ont dit que c’était perdu, que son cerveau était trop endommagé.» Une autopsie a été réalisée, dont les résultats n’ont toujours pas été transmis à la famille. «Elle a passé une nuit entière à appeler à l’aide, dit Vania. Si elle est morte, ce n’est pas la fatalité, c’est simplement parce qu’ils s’en fichent.»



Plusieurs témoignages recueillis auprès de familles et proches de détenues font état de «graves défaillances» du système de soins à la maison d’arrêt pour femmes. Des pathologies «qui ne sont pas soignées», un secret médical qui n’est «pas respecté». «L’infirmière qui annonce à une femme devant tout le monde qu’elle a la syphilis, qui parle à la cantonade du sida d’une autre», détaille Yasmine, ex-détenue sortie en octobre.



Interrogé hier par téléphone, Didier Cazejust, le directeur du CHU du Kremlin-Bicêtre, auquel est rattaché le personnel de santé de Fresnes, promet qu’il va tout faire pour «en savoir plus» et «comprendre ce qui s’est passé». A la direction de l’administration pénitentiaire, on explique que l’on «suit avec attention» la situation, mais «sans s’alarmer» : «L’émotion suite à un décès en détention est compréhensible et habituelle.»



Casseroles. Après avoir appris la mort de Lucilia, qui leur a été annoncée quatre jours après, le 22 janvier, les détenues de Fresnes ont manifesté leur révolte «avec un concert de casseroles tapées sur les barreaux et les portes», raconte leur lettre. Elles ont également refusé collectivement de s’alimenter, dimanche dernier. D’après plusieurs sources, des sanctions (privation de travail, fouille de cellule, commission de discipline) seraient tombées sur les détenues soupçonnées d’avoir transmis des informations à l’extérieur.



Lucilia était en détention préventive depuis mai, en attente de son jugement pour avoir servi de «mule» dans un transport de drogue. «Il y a beaucoup de filles dans ce cas-là, à Fresnes, dit Yasmine. En général, elles prennent deux à trois ans. Lucilia était une détenue modèle, elle aurait pu sortir assez vite en conditionnelle, et retrouver son fils.»



Une enquête sur les conditions de son décès a été ouverte par le parquet de Créteil. Alertée par l’Observatoire international des prisons, qui a également prévenu les autorités sanitaires et judiciaires, la sénatrice communiste Nicole Borvo a saisi hier la Commission nationale de déontologie et de sécurité. L’enterrement de Lucilia est prévu samedi.

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