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Tattito Rykiel Out Of The Garbage
8 juillet 2013

Pères perchés à Grenoble : stop à la duperie.

Depuis vendredi, au sud de Grenoble, trois hommes occupent le haut de la cheminée de la Compagnie de Chauffage. Ce type d'action spectaculaire, désormais bien connu, est attribué dans les médias aux militants de la « cause des pères ». Derrière ce cheval de Troie se cache la mouvance masculiniste1.

En février dernier à Nantes, deux hommes ont occupé pendant plusieurs jours deux grues désaffectées. Ces deux pères estimaient être privés de leurs enfants, victimes d'un pouvoir judiciaire qui détruirait l'ensemble des pères divorcés. Depuis, de nombreuses actions du même type ont eu lieu dans diverses villes de France, certaines simultanément lors de ce qu'ils ont nommé le « printemps des pères ». Le procédé est maintenant rôdé : un ou plusieurs hommes escaladent et occupent pendant plusieurs jours une grue ou un édifice élevé, y accrochent des banderoles, et demandent à être mis en relation avec les institutions afin que leur dossier de divorce soit révisé. Ils réclament par ailleurs que la loi soit modifiée pour que la résidence alternée soit mise en place de manière obligatoire pour tous les cas de séparation.

La technique, mélange d'actions spectaculaires (mais illégales) et de lobbying, est directement importée des pays anglo-saxons, où elle est employée depuis des années par l'organisation masculiniste « Fathers 4 Justice »2. Depuis quelques mois, en France, sous l'impulsion d'associations telles que « SOS Papa »3, ces actions bénéficient d'un soutien médiatique et institutionnel surdimensionné au regard du nombre de personnes concernées. Cela montre que certains groupes sociaux (en l’occurrence, très souvent, des hommes blancs hétérosexuels, bénéficiant d'une situation sociale confortable) sont bien plus entendus que d'autres.

Derrière cette pseudo « cause des pères », qui ne rassemble en fait qu'un nombre très limité d'hommes, se cache le mouvement masculiniste. Le masculinisme est une mouvance d’hommes hostiles à l’émancipation des femmes, souhaitant conserver leurs privilèges et leur position de pouvoir au sein de la société. Leurs thèmes de prédilection sont les droits des pères, les violences faîtes aux hommes et la crise de la masculinité. Les masculinistes estiment que les hommes sont victimes d'une société où les femmes auraient pris le pouvoir.

Les réalités sociales sur l'implication des pères

En réponse, rappelons simplement quelques réalités sociales. Lorsque certains pères se plaignent que « dans 80% des séparations, c'est la mère qui obtient la garde des enfants », ils oublient de dire que cela est à la demande des deux parents4. Autrement dit, l'écrasante majorité des pères divorcés s’accommode très bien de ne pas avoir à s'occuper de leurs enfants (nombreux d'ailleurs sont les pères revendicateurs qui se « découvrent » pères au moment du divorce, après avoir été très peu impliqués dans l'éducation des enfants auparavant). Dans les cas restants, quand il y a litige, celui-ci porte sur le montant de la pension alimentaire, que les pères trouvent trop élevé. Rappelons aussi que la résidence alternée est loin d'être la solution idéale qu'on nous dépeint, en particulier dans le cas de pères violents ou incompétents.

Quant à savoir si, au final, dans le nombre infimes de pères de bonne foi qui auraient pu être « lésés », la Justice a agi de manière injuste, c'est fort possible. L'institution judiciaire, comme le reste de la société, est sexiste. Les juges ont aussi tendance à voir la mère comme l'élément clé et indispensable à l'enfant, contrairement à l'image du père qui reste l'élément satellite. Mais n'inversons pas les rôles : la « cause des pères » est, avant tout, la réaffirmation du pouvoir des hommes sur les femmes, les enfants, et l'ensemble de cette société. Si ces hommes souhaitent réellement investir leurs rôles de pères, de manière coopérative et respectueuse de leurs ex-conjointes et de leurs enfants, ils ont toute latitude pour le faire. Personne ne leur reprochera de prendre leurs responsabilités.

Au-delà de la complaisance : qui sont ces hommes ?

Dans nos précédents communiqués5, nous dénoncions déjà le fait que ces « pères en colère » bénéficient d'une complaisance immédiate, les journalistes reprenant tou-te-s la même dépêche AFP, sans que personne ne se donne la peine de se pencher sur leurs histoires ou d'aller lire le contenu des sites internet des associations dont ils sont membres. A Nantes, par exemple, nous avions affaire à un homme violent, aux propos profondément misogynes, condamné pour avoir enlevé son enfant.

Qu'en est-il à Grenoble ? En haut de la cheminée se trouvent actuellement trois hommes : Rodolphe Von Haute, Frédéric Foroughi et René Forney.

Pour M. Von Haute, il semble que cela soit sa première participation à ce type d'action.

En revanche, ses deux comparses sont des habitués. En mars dernier, M. Foroughi participait au « printemps des pères » en installant un campement à Belfort. En mai il occupait la cathédrale d'Orléans en compagnie de quatre autres hommes. En juin, il récidivait en occupant une tour à Forbach, en Moselle. Les médias ont beaucoup insisté sur le fait qu'il ait exercé pendant quelques temps le métier d'assistant maternel (cela ferait-il de lui quelqu'un d'irréprochable ?), mais se sont étrangement tus sur ses 6 années passées dans l'armée. S'il a déclaré à France 3 Alpes « On est pas un groupe de masculinistes, on est juste là pour l'égalité parentale », pourquoi s'allie-t-il avec des associations nauséabondes, et précisément masculinistes ?

En effet, le troisième homme en haut de la cheminée, René Forney, n'est autre que le président de l'association « Père Enfant Mère »6. Cette association, anciennement dénommée « Pères exclus », s'est distinguée lors du 1er mai dernier à Grenoble en s'imposant dans le cortège malgré les protestations de plusieurs syndicats et associations7. René Forney est aussi connu pour ses positions complotistes farfelues8 et ses liens avec le « Parti Radical de France »9, une organisation d'extrême-droite.

Au pied de la cheminée, on trouve plusieurs personnes venues soutenir les trois pères perchés. Parmi elles, Patrick Guillot, l'un des animateurs les plus prolifiques du masculinisme en France, auteur d'ouvrages aux titres évocateurs tels que « La cause des hommes » ou « La misandrie »10, et fondateur du « Groupe d'Etude sur les Sexismes »11, qui cherche notamment à remettre en cause la réalité des violences conjugales subies par les femmes. Patrick Guillot se revendique « hoministe », comme la plupart des masculinistes, pour éviter le côté désormais péjoratif du terme. A ses côtés est présent Youcef Ouateli, membre de « Père Enfant Mère », qui déclare devant les caméras qu'il a « le coeur arraché » de ne pas voir ses enfants, mais se garde bien de préciser que lors des évènements du 1er mai à Grenoble, il a violemment frappé au visage un militant qui discutait avec lui, l'envoyant à l'hôpital la paumette fracturée.

 Contrer ce mouvement dangereux dès maintenant !

A travers les actions de ces derniers mois et l'écho tristement favorable qu'elles ont rencontré, nous avons affaire à une montée en puissance du mouvement masculiniste. Il n'est pas étonnant de constater que celle-ci s'effectue par le biais de la « cause des pères », qui constitue un cheval de Troie particulièrement efficace. Si ces hommes veulent vraiment l' « égalité parentale », qu'ils se mobilisent en dehors de leurs cas personnels de divorce pour impliquer largement les hommes dans l'éducation des enfants et le travail domestique ! Le cas échéant, nous avons affaire non pas à un mouvement progressiste, mais à une mouvance réactionnaire, qu'il est urgent de stopper.

Les hommes victimes des femmes ? Les français.e.s victimes des immigrés ? Les patrons victimes des grévistes ? Les hétérosexuel.le.s victimes du lobby gay ? Et puis quoi encore ? Ne soyons pas dupes : marre des retournements de sens !

Collectif Stop Masculinisme - lundi 8 juillet 2013

stop.masculinisme@gmail.com

1 Pour des précisions sur le mouvement masculiniste que, pour des raisons de place et de compréhension nous ne développerons pas ici, lire les brochures « Contre le masculinisme, petit guide d'autodéfense intellectuelle », « Un mouvement contre les femmes. Identifier et combattre le masculinisme » ou encore « La percée de la mouvance masculiniste en Occident », disponibles sur le site http://lgbti.un-e.org. Lire aussi l'ouvrage de Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri « Le mouvement masculiniste au Québec, l'antiféminisme démasqué », aux éditions Remue-ménage, 2008.

4Pour plus de précisions, voir le travail de la doctorante en sociologie Aurélie Fillod-Chabaud, qui travaille sur le sujet depuis plusieurs années. http://lmsi.net/Le-pouvoir-vient-de-la-grue
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